Le cas Leonard Zelig passionne l’Amérique des
années 20 et 30. Ce petit homme banal (Woody Allen) a en
effet tendance, par des facultés totalement inexplicables,
à se transformer à l’image des
êtres qu’il côtoie :
obèse en présence d’obèses,
Noir face à un Noir, boxeur aux côtés
de Jack Dempsey… La médecine, bien sûr,
s’intéresse à son cas et en particulier
la psychiatre Eudora Fletcher (Mia Farrow) qui va le traiter par
l’hypnose. La célébrité
apporte à Zelig le pire et le meilleur.
Woody Allen a travaillé presque trois ans pour nous offrir
ce film inclassable, unique par sa forme qui les mêle
toutes : documents d’archives piratés,
mise en scène classique, film dans le film, interviews de
pseudo-témoins actuels (Bruno Bettelheim, Susan Sontag et
d’autres commentent avec le plus grand sérieux le
« cas » Zelig). De là
naît le premier plaisir du film, une jubilation de chaque
seconde à repérer faux-réel
et vraie-fiction au milieu des gags et des trucages superbes.
Le film dépasse le spectacle distrayant et
révèle une profondeur inattendue. Cette saga de
l’homme-caméléon qui ne parvient pas
à trouver sa place évoque le thème de
l’Autre, du différent, du marginal.
C’est aussi l’exploration du rapport amoureux avec
une femme de plus dans la galerie des portraits de toutes celles qui
l’obsédèrent au fil des films. Enfin,
avec une joyeuse irrévérence vis à vus
du « Document », Woody Allen
démontre le pouvoir mystificateur de l’image et la
fragilité des évidences.
Salué à sa sortie par la critique
américaine comme la création la plus brillante et
la plus inspirée du réalisateur, Zelig est un
film de plaisir qui se regarde avec un permanent sourire en coin et un
fort sentiment de complicité.
Sarah Linon