Consacré Ours d’or à Berlin, ce troisième long métrage du réalisateur Wang Quan’an nous transporte dans les steppes
arides de Mongolie-Intérieure sur les traces de Tuya, une bergère qui entreprend de se trouver un nouveau mari pour remplacer Bater, paralysé à la suite d’un accident et ne pouvant plus subvenir aux besoins de la famille. Commence alors le ballet des prétendants, ponctué des heurs et malheurs de son voisin Senge.
Wang Quan’an, d’origine mongole par sa mère, aime et connaît bien cette région autonome de la République Populaire de Chine. Son film
mêle habilement une fiction et des éléments documentaires qui rendent hommage, dans des décors naturels sublimes, à la culture et au
mode de vie des Mongols, fortement menacés de disparition... Sur les steppes balayées par le vent et la neige, les chameaux voisinent avec les motos et les camions, les costumes éclatants et les chants mongols s’opposent à la bureaucratie chinoise, les bergers victimes de la sècheresse s’éreintent à creuser un puits tandis que les nouveaux riches préfèrent forer à la recherche du pétrole.
Cette comédie douce-amère, où les scènes d’émotion alternent avec des passages à l’humour proche du burlesque, dresse le portrait de Tuya, une femme de caractère, tenace et généreuse, fidèle à ses convictions, magnifiquement interprétée par Yu Nan, actrice professionnelle à la beauté délibérément opacifiée pour ce rôle.
A voir les protagonistes confrontés aux contradictions d’un pays partagé entre une ruralité ancestrale et une urbanité implantée par un matérialisme ravageur, on se posera comme le réalisateur la question de l’argent et du bonheur.
Sarah Linon