C’est un film qui
brille comme un
diamant solitaire dans l’œuvre de son
réalisateur Gabriel
Axel, metteur en scène danois qui a beaucoup
travaillé
en France, à la télévision notamment,
n’a
jamais fait mieux que ce bijou mystérieux et singulier.
Dans un village de la
côte du
Jütland battu par les vents, un pasteur autoritaire
règne
sur une petite communauté de fidèles. Ses deux
filles
sont belles et dans l’éclat de la jeunesse.
L’une touche
le cœur d’un jeune officier de passage,
l’autre possède
une voix d’or qui éblouit un
célèbre ténor
de Paris… Le premier parle mariage, le second
carrière à
l’opéra, gloire, fortune…
Quelques années
plus tard, un
soir de tempête, débarque dans le village une
Française
fugitive et misérable. Cette femme va travailler en silence
comme cuisinière chez deux vieilles demoiselles :
les
filles du pasteur qui entretiennent dans la communauté le
souvenir de leur père défunt en cultivant une
spiritualité rigide et une austérité
désincarnée.
Babette, silencieuse, leur
fera
entrevoir un autre monde, dans lequel le corps n’est pas
l’ennemi
de l’esprit. Babette est une artiste qui donne tout ce
qu’elle a
pour vivre, en une soirée, au cours d’un repas
magnifique,
préparé avec amour, servi avec
gravité, partagé
comme une découverte spirituelle. Un
« festin de
viandes grasses et de vins capiteux » comme
l’écrit
le prophète Isaïe en annonçant le
banquet du
Royaume de Dieu.
Janick Arbois-Chartier